Politiques de l'éducation, mardi 26 mai

Pierre Clément (UPJV) : "Politiques des contenus d'enseignement, 1980 - 2000"

Ma thèse porte sur la production des politiques scolaires entre le début des années 1980 et la fin des années 2000. Plus précisément mon travail porte sur un objet que l’on a choisi d’appeler « politique des contenus d’enseignement » défini temporairement comme l’ensemble des réponses (bureaucratiques, juridiques, pédagogiques, syndicales, patronales etc.) qui ont pu être apportées aux questions suivantes : qu’enseigne-t-on ? à qui ? pourquoi ?.

La réalisation d’entretiens (avec des syndicalistes, des enseignants-chercheurs, des haut-fonctionnaires, des membres d’organisations internationales, des hommes politiques etc.) visant à reconstituer des prises de positions, des stratégies et des trajectoires sociales, ainsi que le dépouillement d’archives publiques et privées (pour l’heure celles de la commission Thélot, du Conseil national des programmes, du Syndicat national des instituteurs et PEGC) constituent le gros du travail d’enquête et des matériaux recueillis. A cela s’ajoute la lecture et l’analyse d’une abondante littérature grise (rapports officiels) et de la presse spécialisée (Monde de l’éducation et bulletins syndicaux notamment) et enfin quelques observations notamment des situations d’entretiens. Il est enfin prévu la constitution d’une base de données prosopographique.

Ma communication vise à réfléchir sur ce qu'est, au fond, l'objet de ce que l’on appelle la sociologie du curriculum. J'essaierai de voir à quelles conditions on peut faire de la sociologie des savoirs scolaires sans tomber dans le domaine des sciences de l'éducation ou de la pédagogie – ce qui est le cas de beaucoup de chercheurs qui travaillent sur ce sujet (tout du moins en France mais aussi dans les pays francophones) – et sans se préoccuper uniquement d'éducation.
Pour cela, je consacrerai une partie de mon propos à une relecture du livre d’Emile Durkheim L'évolution pédagogique en France afin de dégager ce qui caractérise sa manière d'envisager les systèmes d'enseignement. Puis, je me demanderai à quelles conditions on peut en faire un programme de recherche, construire des objets sociologiques et trouver des terrains d’enquête. Bref, il s’agira de réfléchir, en partant d’une analyse de ses potentialités et de ses limites, à la manière dont il est possible d’"opérationnaliser" le cadre d'analyse durkheimien dans ma propre recherche.



Célia Keren (EHESS) : "L’accueil en France des enfants évacués de la Guerre d’Espagne :politique humanitaire, enjeux pédagogiques et expériences enfantines"

Au cours de la guerre d’Espagne (1936-1939), des milliers d’enfants espagnols sont évacués depuis la zone républicaine vers des pays amis, notamment la France. Plus de 10 000 d’entre eux, filles et garçons de 4 à 17 ans, résident ainsi sans leurs parents, le temps de quelques mois ou de plusieurs années, dans des colonies d’enfants espagnols, dans des orphelinats ou dans des familles françaises. L’organisation d’un tel accueil a mobilisé de nombreux acteurs, publics et surtout privés – partis politiques, syndicats, organisations humanitaires, mais encore églises et groupes catholiques, qui collaborent et/ou rivalisent pour la tutelle de ces enfants isolés.

Cet épisode, en lui-même assez circonscrit, se situe à la confluence de plusieurs champs historiques et historiographiques (français, espagnols et européens), dont le croisement introduit à la fois intelligibilité et complexité. Comment articuler le souci humanitaire de protéger l’enfance en temps de guerre – dont il convient de retracer l’émergence historiquement datée – et les mobilisations populaires suscitées par la guerre d’Espagne en France ? Quels sont les enjeux politiques des modalités pratiques et pédagogiques de l’accueil (hébergement familial ou collectif, éducation française ou espagnole - ou basque, autant de choix qui sont loin d’être « neutres ») ? Enfin, comment écrire une histoire de l’enfance qui ne soit pas seulement une histoire des pratiques et des représentations adultes autour de l’enfance, mais qui prennent en compte les expériences et le pouvoir d’agir enfantins ?