Détail et anecdote : le texte par le petit bout de la lorgnette, 30 janvier 2009

Karine Abiven (Paris 4) : "Rhétorique de l’anecdote aux siècles classiques : fondements épistémologiques de l’histoire d’une forme".

Dans une intervention à caractère méthodologique, nous poserons les questions liées à un sujet à la croisée du formalisme et de l’histoire littéraire, en l’occurrence, l’étude de l’anecdote (une des « formes simples » relevées par les narratologues) à une période déterminée (1580-1780). Comment concilier les exigences de l’analyse théorique d’une forme et la contextualisation requise par l’historicité d’un fait de discours ? Comment fonder la légitimité scientifique d’un corpus diversifié du point du vue générique (recueil de formes brèves, Mémoires, Histoire…) et étalé dans le temps ? Comment articuler des méthodes critiques venus d’horizons différents (stylistique, analyse du discours, narratologie, histoire du livre et de la littérature) ? Autant de problèmes théoriques posés par ce qu’on pourrait appeler une histoire des formes.

Jean-Christophe Blum (Paris 3): "La notion de détail au cinéma".

Travailler sur la notion de détail au cinéma suppose avant toute chose de surmonter un certain nombre d’obstacles épistémologiques. Notion née dans le domaine de l’histoire de la peinture et des images fixes (Arasse, Didi-Huberman, Barthes), puis de la psychanalyse (Freud, Ginzburg) et de littérature (Charles), le détail est-il un objet transémiotique, en d’autres termes, se transfère-t-il aisément au domaine de l’image mouvante ? Quels nouveaux problèmes pose-t-il (autour d’un équivalent possible dans la figure du gros plan, par exemple) ?
D’autre part, c’est pour le chercheur une double difficulté qui se fait jour. D’un côté il se confronte à un problème de définition, devant un objet nécessairement fuyant, qui se laisse mal identifier mais dont on ne saurait se passer, et qu’il convient de consolide comme notion ; de l’autre, on rencontre un problème évident de corpus, devant l’abondance du matériau et des exemples possibles, propres à tous les travaux ayant partie liée à une forme de « micro-lecture » (cinéma des premiers temps, Welles, Mizoguchi, Hitchcock, Godard, Tarkovski, Marker, art vidéo…). Comment choisir ? Faut-il (ne pas) choisir ? Quelles conséquences cela a-t-il dans l’organisation et le placement de la thèse dans le champ disciplinaire ?
En somme, de cette notion issue de la théorie plastique et de l’analyse de films naît un travail d’inspiration profondément méthodologique, à mi-chemin entre l’analyse figurale et l’histoire du cinéma. Nous en exposerons les principales étapes et renversements de perspectives à partir de quelques extraits.

L'Europe aux frontières de l'Inde, 17 décembre 2008

Renan Larue (UPJV), "L'indomanie dans l'Europe des Lumières"



Au XVIIIe siècle, l'Inde est d'actualité militaire et politique ; les Européens y établissent par les armes et la diplomatie des comptoirs pour favoriser le commerce des épices, de la soie, des étoffes. Cependant la connaissance qu'ont les Européens de la culture indienne est sommaire puisqu'elle repose encore en grande part sur les témoignages des Anciens (Hérodote surtout) et des missionnaires jésuites rédacteurs des Lettres édifiantes et curieuses.Mais, bien vite, la civilisation indienne éveille la curiosité des philosophes. Ils sont fascinés par son ancienneté (bien supérieure aux Hébreux et aux Grecs), sa mythologie foisonnante, sa/ses langue(s), son étonnante structuration sociale (le système des castes), sa religion et ses mœurs. Dans le même temps, l'Inde reste un lieu propice aux fantasmes de l'exotisme.Nous étudierons la manière dont des écrivains tentent de constituer, à distance, une sorte d'anthropologie indienne. Nous verrons aussi comment cette rencontre de l'Inde permettra, à Voltaire par exemple, de relativiser, de juger, voire de condamner les coutumes européennes.


Elena Langlais (Paris-X Nanterre) : "L'écriture épique indienne pendant et après la colonisation"



La littérature fait partie de ces arts que l'on rencontre dans le monde entier.
Pourtant, les modèles culturels sont très différents d'un bout à l'autre de la planète. En Inde, les théories littéraires trahissent une conception critique à part, tout en ressemblant, par certains aspects à celles qui ont été développées par les Européens. Le genre épique, tout particulièrement, permet de relier les systèmes génériques indien et européen Mahâkâvya et épopée se ressemblent, sans être exactement identiques. Or, les deux modèles, lors de la colonisation anglaise, se sont rencontrés, se sont confrontés. On a revendiqué l'un ou l'autre, on l'a proclamé le plus légitime. Les différents auteurs ont joué un rôle capital dans cette lutte générique. Quelles tactiques ont-ils adopté face à ces deux cultures, souvent perçues comme antagoniques ? Nous nous esquisserons un début de réponse en examinant plus particulièrement Meghnadbadh Kâbya de Michaël Madhusudan Datta, Saket de Maithilisharan Gupta , Kâmayani de Jaishankar Prasad et Savitri de Sri Aurobindo.