Femmes, joueurs de couleur: quel regard sur les minorités dans le football?


jeudi 15 octobre 2009, 15-17h, Pôle Cathédrale, s. 313


Xavier Breuil (CEVIPOL-Bruxelles): "Le football féminin, objet de l'histoire sociale et politique"

Sport le plus populaire de la planète, le football n’est pas un simple loisir permettant de se divertir ou de se dégourdir. Historiens et politologues ont notamment rappelé les interactions multiformes entre ballon rond et politique : ce sport représente un puissant vecteur d’intégration à la vie publique nationale et les joueurs sont, à l’instar des hommes politiques, considérés comme les représentants du village, de la ville, de la région ou/et de la nation.

Cette dimension politique ne doit évidemment pas être ignorée dès lors que l’on s’intéresse au rapport des sexes dans le football et au développement de la pratique féminine entre 1916 et 1940. En effet, dès la première guerre mondiale, nombre de sportives s’adonnent aux joies du ballon du rond, notamment au sein des entreprises de munitionnettes ou, comme c’est le cas en France et en Belgique, au sein des banques et des grands magasins. En nous appuyant sur les travaux pionniers consacrés à l’histoire du football féminin, qui ont insisté pour leur part sur ses aspects sociaux et culturels, notre présentation aura pour seul objectif de démontrer que son évolution a bien plus reflété, d’une part, la tentative des femmes d’intégrer la vie politique et, d’autre part, leur introduction dans le jeu des relations internationales au cours de l’entre-deux-guerres.

Pour mener à bien cette recherche, nous avons consulté différentes sources : archives du ministère des affaires étrangères français conservées à Nantes ; archives de différents musées (Musée du sport de Paris, Imperial War Museum de Londres) ; presse sportive et d’information (Allemagne, Angleterre, Belgique, France, Irlande, Suisse).


Frédéric Rasera (Lyon 2) : "Articuler les rapports sociaux dans l'enquête ethnographique. La fabrique de l'altérité raciale dans le quotidien de travail de footballeurs professionnels"

« Il y a neuf Blacks sur onze. La normalité serait qu'il y en ait trois ou quatre. Ce serait le reflet de la société. Mais là, s'il y en a autant, c'est parce que les Blancs sont nuls »[1]. Ces propos de Georges Frêche, commentant la composition d’une équipe de France de football trop colorée à son goût, illustrent plus généralement les catégories de perception communes qui interrogent la présence de joueurs de couleur noire au sein de l’élite du football français. C’est prioritairement la problématique de l’identification qui est sollicitée, accompagnée de l’imaginaire raciste qui tend à naturaliser les performances de ces sportifs. Historiens et sociologues ne cessent de rappeler la construction sociale de ces schèmes d’intelligibilité et invitent à mobiliser l’histoire de l’immigration et les modes de structuration de notre société afin d’interpréter la présence de joueurs noirs au sein du football professionnel français[2].

Voici le cadre usuel au sein duquel la présence de joueurs de couleur noire dans l’élite du football français est posée. Il laisse de côté deux problématiques majeures. Un déplacement du regard inviterait en effet à interroger la pertinence de la variable raciale / ethnique pour analyser le travail quotidien des footballeurs professionnels[3], ainsi qu’à étudier de quelle manière elle peut être est mobilisée ou non par les joueurs visés dans une optique de reconnaissance[4]. C’est sur le premier ordre de questionnement que porte cette communication. L’enquête ethnographique réalisée au sein d’un groupe de footballeurs professionnels évoluant dans un club de Ligue 2 française nous a permis de saisir de quelle manière le référentiel racial s’inscrit dans le quotidien de ces travailleurs sportifs. Plus particulièrement nous nous attacherons à mettre en évidence de quelle manière se fabrique l’altérité raciale et comment elle se conçoit en lien avec d’autres rapports de pouvoir, de classe et d’âge notamment.



[1] Propos rapportés par le journal le Monde du 18 novembre 2006, « A Montpellier, nouveau dérapage raciste de Georges Frêche »

[2] Voir par exemple P. Ndiaye, La condition noire. Essai sur une minorité française, Paris, Calmann-Lévy, 2008.

[3] Pour un exemple récent de recherche qui met en évidence des processus d’ethnicisation en milieu de travail, voir N. Jounin, Chantier interdit au public. Enquête parmi les travailleurs du bâtiment, Paris, la découverte, 2008.

[4] Une telle problématique conduirait notamment à interroger les possibles mobilisations politiques des footballeurs de couleur noire. A l’instar des mouvements féministes étudiés par Joan W. Scott, elle placerait au centre de l’analyse le paradoxe de telles mobilisations de groupes dominés qui conduit dans un même mouvement à la nécessité d’affirmer et de refuser la différence. Voir J W. Scott, La citoyenne paradoxale. Les féministes françaises et les droits de l’homme, Paris, Albin Michel, 1998.

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